I. Une fontaine ancestrale
Dans le Limousin, une source aux eaux d’un noir profond coule au cœur d’une clairière sacrée. On l’appelle la Source Noire du Gardien, tout simplement parce que sa légende est encore murmurée par les prêtres anciens et les gardiens de sapinières.
On dit qu’un temple païen y fut érigé il y a des siècles, vénérant une divinité ancienne, mi-humain, mi-serpentin. Lors de la christianisation, le temple fut détruit. Mais la source et son gardien demeurèrent, invisibles et silencieux.
II. L’apparition du gardien
Certains racontent qu’il apparaît à ceux qui viennent avec un cœur pur. Il se tient dans l’ombre des arbres, sans mot, les yeux phosphorescents, humble mais impérieux. Si l’on ose s’approcher de l’eau, il écarte la main, et l’eau devient claire, mais toujours noire en profondeur.
III. L’histoire de Margot et la soif
Margot, jeune bergère, vivait non loin. Elle eut une soif qui la rongeait — pas de soif de corps, mais de cœur. Une nuit, en pleurs, elle s’enfonça dans la forêt à la recherche de calme. Elle découvrit la source. L’eau noire miroita sous la lune, tentatrice.
Le gardien apparut. Il ne parla pas. Elle porta sa main à l’eau, s’y désaltéra. Sa soif attisée, elle plongea plus profondément — et ressuscita un souvenir oublié : sa mère, souriante, dans la cuisine d’un autre temps.
IV. L’épreuve du souvenir
Ce souvenir la bouleversa. Elle comprit alors que le gardien ne blessait pas, mais révélait ce que le cœur voulait oublier. La légende dit : celui qui boit de la Source Noire affronte sa mémoire perdue. Ce n’est pas un lieu de guérison, mais de vérité.
Margot garda ce secret. Elle devint sage. Mais dans ses yeux vifs, on lisait un fond d’obscurité que plus personne ne comprit.
V. La vigilance du gardien
Le Gardien ne protège pas l’eau ; il protège le cœur humain. Ceux qui s’approchent sans respect, ou avec l’intention de manipuler ces forces, voient l’eau tourner rouge ou devenir boueuse, et le ciel s’alourdir. Une sentence muette.
VI. Une prière pour les âmes perdues
On raconte que certains pèlerins tiennent une offrande silencieuse en s’approchant de la clairière — une feuille tombée, un brin d’herbe, un larmes, pour montrer qu’ils reconnaissent ce lieu comme sacré.
Alors, l’eau reste noire. Elle ne change pas. Elle ne dicte rien. Elle reflète seulement.
VII. Le murmure perpétuel
Aujourd’hui, bien peu connaissent la Source Noire et son Gardien. La forêt encroût depuis des siècles.
Mais, disent quelques anciens, si vous êtes pur et le cœur nu, vous verrez l’eau respirer. Et, dans le silence, vous entendrez la voix silencieuse de votre propre mémoire refermée par le temps.