I. Une forêt entre deux mondes
Au cœur des Vosges, s’étend la Forêt d’Orée, un lieu où la réalité vacille au rythme du jour naissant. On dit que ce bois ne connaît pas le crépuscule prolongé. À l’instant exact où l’ombre cède à l’aube, des formes montées surgissent entre les troncs — les mystérieux Cavaliers d’Orée.
Ceux-ci ne sont ni hommes, ni fantômes : des êtres à la frontière du tangible et de l’éthéré, liés à la cadence du jour. Ils ne chassent pas, ne parlent pas, mais veillent sur la forêt et ceux qui la traversent au petit matin.
II. Le jeune voyageur
Un matin, un jeune voyageur nommé Théophile s’aventura dans la forêt, affamé et fatigué. Il marchait, à peine conscient du chant des oiseaux ni du chant sourd du vent. À l’instant où l’aube blanchit les brumes, les Cavaliers apparurent, majestueux et silencieux.
Effrayé, Théophile glissa, levant les yeux vers eux. L’un des cavaliers tendit une main gantée, mais d’or ancien, pour l’aider. Puis, avant qu’il ne puisse réagir, la forêt se fit vide à nouveau — et lui se retrouva au bord du bois, seul, le coeur battant.
III. Le cadeau offert
Dans sa main, il tenait un brin d’herbe argenté, phosphorescent. Les anciens l’appelleraient plus tard la Lame de l’Aube : fragile brillance altérée par la magie du jour. Il la rapporta dans son village, et tous virent qu’elle restait lumineuse, comme si elle captait la promesse du soleil.
On dit que lorsqu’on la laisse à la fenêtre avant le lever du jour, elle éclaire toute la chambre d’un éclat doux. Elle protège des cauchemars et des ombres.
IV. Le prix de la faveur
Mais ce cadeau avait un poids. Théophile perdait peu à peu la capacité de rêver. Ses nuits devinrent silencieuses, comme si la lumière qu’il tenait au poignet avait absorbé son sommeil. Les anciens murmurèrent :
« Le don de la lumière exige un cœur éveillé… mais au prix d’un autre monde. »
Théophile l’accepta en silence.
V. Une légende partagée
Depuis ce jour, le village enseigne aux enfants un rituel à l’aube : sortir avec un verre d’eau laissé dehors pendant la nuit. Si la lumière naissante le filtre, elle est considérée comme un signe des Cavaliers. Si elle s’y reflète dans un éclat doré, c’est un don silencieux…
Celui-ci ne se comprenant qu’en intérieur, dans la paix du jour.
VI. Veilleurs éternels
Certaines aurores, des voyageurs racontent avoir aperçus les Cavaliers, silencieux et dorés, guidant un troupeau imaginaire hors de la forêt. Invisibles la plupart du temps, mais toujours présents, ils sont devenus l’image même du passage entre l’ombre et la lumière.