I. Le pays des landes perdues
Au nord du pays, bien au-delà des terres labellisées, s’allonge une vaste lande silencieuse, où le sol est mou et la bruyère épaisse. Les habitants l’appellent la Mort‑Blême, parce que l’air y est si froid qu’il semble aspirer la vie. Mais ceux qui disent l’avoir traversée parlent d’un être qui hante le lieu au cœur de la nuit : le Rôdeur.
On ne sait pas ce qu’il est : ni homme, ni bête, mais un être fait d’ombre et de brise glacée, marchant sans bruit dans la lande.
II. La quête d’Anna
Une jeune ethnobotaniste, Anna, fascinée par la nature sauvage, entreprit d’explorer la lande malgré les mises en garde. Elle y campa une nuit noire, décidée à observer le Rôdeur. Lorsqu’elle s’assoupit, un souffle la réveilla. Un frisson aérien caressa sa nuque : elle était éveillée, entourée d’un silence qui vibrait.
Là, dans la bruyère noire, elle aperçoit une silhouette. Pas belle, pas effrayante, mais étrangement… véritable. Elle aussi la vit : une présence immobile, penchée vers les fougères, comme pour écouter ce que la nature murmure. Anna ne bougea pas. Il inclina la tête. Et elle s’évanouit.
III. Une vision partagée
À son réveil, Anna était sur le sentier du retour, seule. À son poignet, un éclat de pierre luisante, comme trempé dans la nuit. Elle n’eût jamais fait tomber un trésor, mais la pierre brillait d’une lumière froide, changeante comme une promesse hésitante.
Elle regagna le village, la pierre dans la main. Elle dit avoir vu le Rôdeur, non comme une menace, mais comme une exigence : celle d’apprendre à écouter le monde vrai, sans bruit, sans jugement.
IV. Le poids de l’écoute
Anna rapporta ses notes et son éclat, mais la pierre devint douloureuse à tenir à la lumière du jour. Elle la garda dans l’ombre, et perdit peu à peu l’agitation du monde. Les autres trouvèrent qu’elle devenait distante, comme si le vent nocturne l’avait visitée et emporté une part de son éclat humain.
Elle choisit de retourner à la lande et de déposer la pierre là où elle l’avait trouvée. Le Rôdeur n’avait rien voulu, sinon un cœur prêt à écouter la lande. Une communion silencieuse.
V. Une lande qui respire
Aujourd’hui, certaines nuits sans lune, les bergers affirment voir les fougères s’animer comme si elles respiraient. Et, parfois, on distingue une silhouette immobile, entre herbes brunes : un être sans bruit, gardien d’une lande où seule la nuit peut vraiment exister.