I. La mer et le sel
Dans le Cotentin, près de Barfleur, les pêcheurs parlent parfois à voix basse de la Fille aux Écailles, une créature qui n’est ni sirène, ni humaine, mais entre les deux.
Elle apparaît certains soirs de brume, au moment où la marée tourne, assise sur les rochers couverts de goémon.
Et toujours, elle pleure sans larmes.
II. L’homme qui l’a trouvée
Un jeune pêcheur nommé Jules la vit un soir d’automne.
Elle lui tendit une écaille d’argent, chaude comme un cœur.
Et lui dit, d’une voix basse comme un ressac :
« Garde-la. Tant qu’elle brille, je vivrai. Si elle ternit, ne me cherche pas. »
Puis elle disparut.
III. L’amour impossible
Pendant des mois, Jules revint chaque soir. Parfois elle venait. Parfois non.
Ils ne se touchaient jamais, mais parlaient des vents, des rêves, des profondeurs.
Il tomba amoureux. Elle, peut-être aussi.
Mais l’écaille ternit.
IV. Le choix
Un soir, elle vint avec une autre écaille.
« Une pour moi, une pour toi. Si tu plonges avec moi, nous vivrons cent ans, mais loin des Hommes. Si tu refuses… oublie-moi. Et je t’oublierai. »
Jules hésita.
On ne sut jamais ce qu’il répondit.
Mais son bateau fut retrouvé à l’aube, vide, échoué sur les rochers.
Et l’écaille d’argent était là, posée sur le siège du marin, encore tiède.
V. Ce que l’on croit
Les enfants du coin ramassent parfois des coquillages trop brillants.
Les anciens racontent que ce sont des fragments d’écailles tombées de son cœur.
Et si vous êtes au bord de la mer, par un soir sans vent, et que vous entendez des pleurs portés par les vagues, n’ayez pas peur.
C’est juste une femme qui attend un marin…
…ou une écaille.