I. Le lac aux échos
Dans le Massif central, un lac isolé, paisible et miroitant, répond à la voix de Dieu à chaque nuit. On l’appelle L’Écume de Lune. Ce n’est pas son nom officiel, mais c’est ainsi que les anciens le nomment lorsque la lune est pleine : on croirait entendre du flottage, comme une harpe aqueuse.
II. La flûte silencieuse
On raconte qu’une sirène pleura sur les rives du lac. Sa tristesse fut si pure que ses larmes solidifièrent sur un roseau, le transformant en flûte d’argent. Cette flûte, abandonnée là, devint l’Âme de Lune : un instrument dont la mélodie ne résonnait que dans la nuit la plus profonde, jouant seule, comme une prière.
III. L’arrivée du musicien
Un jeune musicien, Bastien, resta un été près du lac, jouant des airs dissonants dans l’espoir d’inspirations nouvelles. Une nuit de pleine lune, son rêve fut brisé par un air différent, une mélodie inhumaine. Il la suivit jusqu’au bord de l’eau.
Et là, sur les roseaux, il vit la flûte. Avant même de l’approcher, elle se mit à jouer une symphonie douce, composée de vapeurs lunaires. Il écouta, enchanté. Le roseau appelait.
IV. La mélodie offerte
Séduit, il prit la flûte. Lorsqu’il souffla dedans, il joua mieux que jamais — des notes claires comme un ciel sans nuage. Pendant ces jours, sa musique fut si belle que certains furent apaisés de peines anciennes. Certains pleuraient sans savoir pourquoi.
V. Le sacrifice de la musique
Mais ce talent avait un prix : chaque note que Bastien jouait devenait un peu plus faible le lendemain. Son souffle se faisait plus ténu, son esprit flottait entre deux mondes. Il comprit que la flûte aspirait non seulement la mélodie, mais aussi une part de lui-même.
Dans un dernier acte de sagesse, Bastien remonta au lac à la faveur d’une brume froide. Il reposa la flûte entre les roseaux. Elle s’y posa, légère, reprenant son chant solitaire, tandis que lui se fondait dans l’ombre.
VI. Une légende musicale
Depuis, on raconte que certaines nuits, les roseaux chantent seuls. Ceux qui écoutent sans jouer entendent la musique de Bastien — une mélodie douce et mélancolique, portée par la brise et l’eau.
Qui chante ? La sirène pleurée, Bastien, ou le lac lui-même ? Nul ne le sait.
VII. Transmission silencieuse
On apprend aux enfants que la musique doit se donner avec prudence. Les flûtes doivent être jouées, oui, mais avec respect. Et si jamais on entend un air étranger entre les roseaux, qu’on laisse la forêt et le lac poursuivre leur mélodie.